Protonthérapie
Tout savoir sur la protonthérapie
Proton therapy: advanced infrastructure for precise tumor treatment
Proton therapy requires a highly specialized infrastructure, including a proton beam production and delivery system, precise patient positioning devices, advanced treatment planning tools, dose monitoring systems, safety control mechanisms, and sophisticated software for data management and clinical workflow.
Production de protons à l'aide d'un accélérateur de particules
Contrairement aux radiations électromagnétiques (photons) ou aux électrons, qui sont générés par des accélérateurs linéaires, les protons sont produits à l'aide de machines plus complexes appelées cyclotron et synchrotron. Parmi les cyclotrons, il existe deux types d'appareils capables de produire des protons : les cyclotrons isochrones et les synchrocyclotrons. Disponibles en France, ces deux derniers types d'accélérateurs diffèrent principalement par leur mode de fonctionnement à des vitesses relativistes, c'est-à-dire lorsque les protons approchent de la vitesse de la lumière.
Dans un synchrocyclotron, le champ magnétique reste constant, mais la radiofréquence (RF) utilisée pour accélérer les protons est modulée dans le temps. Cette modulation compense l'augmentation de la masse des protons à mesure qu'ils accélèrent, maintenant la synchronisation entre le champ RF et le mouvement des particules. Les protons suivent une trajectoire en spirale vers l'extérieur et la machine fonctionne en mode pulsé, délivrant les protons par impulsions discrètes.
En revanche, le cyclotron isochrone fonctionne à une radiofréquence constante, tandis que le champ magnétique varie selon le rayon—il devient plus intense à mesure que les protons s’éloignent du centre. Cet ajustement spatial du champ magnétique permet aux protons de conserver un temps de révolution constant, malgré l’augmentation de leur masse à grande vitesse. Comme dans le synchrocyclotron, les protons suivent une trajectoire en spirale vers l’extérieur, mais la conception isochrone permet un fonctionnement continu, offrant un flux de protons stable et plus élevé.
Cette différence fondamentale influence la taille, la puissance et les applications cliniques de chaque type d’accélérateur.
1. Interaction avec la matière : le pic de Bragg
Contrairement aux photons (rayons X) qui perdent progressivement de l’énergie, les protons déposent la majeure partie de leur dose à la fin de leur trajectoire, créant le « pic de Bragg ». Ce phénomène physique permet de concentrer les radiations sur la tumeur tout en épargnant les tissus situés au-delà.
Les protons traversent les tissus avec une perte d’énergie minimale au départ, puis ralentissent et transfèrent massivement leur énergie juste avant de s’arrêter. Le résultat : dose maximale dans la zone tumorale et dose quasi nulle au-delà de la tumeur.
2. Contrôle en profondeur : balistique longitudinale
La profondeur de pénétration des protons dépend directement de leur énergie initiale. En modulant cette énergie entre 65 et 250 MeV, les médecins peuvent cibler des tumeurs situées de quelques centimètres à plus de 30 cm de profondeur.
Cette précision longitudinale atteint quelques millimètres, permettant la préservation des organes critiques adjacents.
3. Contrôle latéral : balistique transversale
Les protons subissent une diffusion latérale en traversant les tissus, créant un élargissement progressif du faisceau. Cette diffusion génère la pénombre latérale – une zone de transition progressive entre la dose maximale et zéro – qui varie selon la technique utilisée :
- Diffusion passive (voir ci-dessous) :
- Diffusion simple : pénombre très réduite (1 à 3 mm), optimale pour la précision
- Diffusion double : pénombre plus large (5 à 10 mm) en raison d’une diffusion complexe
- Techniques de balayage (US/PBS) : pénombre intermédiaire (3 à 8 mm) selon la taille du faisceau
Cette pénombre latérale reste significativement plus faible que celle d’autres particules, assurant une bonne précision géométrique. Les systèmes de collimation permettent d’adapter la forme du faisceau au contour exact de la tumeur, optimisant ainsi la sélectivité du traitement.
Diffusion passive
Cette technique historique élargit le faisceau à l’aide de matériaux diffusants et utilise la technique du "Spread-Out Bragg Peak" (SOBP), qui superpose plusieurs pics d’énergies différentes afin de créer un plateau de dose uniforme sur toute l’épaisseur de la tumeur :
- Diffusion simple : utilise une seule feuille diffusante, idéale pour les petites tumeurs comme les lésions oculaires
- Diffusion double : système plus complexe permettant des champs uniformes jusqu’à 30 cm de diamètre
Balayage uniforme (US)
Des aimants déplacent rapidement un faisceau fin selon un motif de balayage, couvrant uniformément la tumeur. Cette technique élimine les diffuseurs physiques et améliore l’efficacité du faisceau.
Balayage par faisceau de type crayon (PBS)
La technique la plus avancée, utilisant un faisceau de quelques millimètres de diamètre positionné précisément en 3D. Le PBS permet :
- Dose uniforme par champ pour une homogénéité optimale
- Dose modulée par champ pour des stratégies thérapeutiques personnalisées, incluant l’augmentation de dose et une meilleure préservation des structures critiques
Application aux tumeurs oculaires
Diffusion passive à diffusion simple avec des lignes de faisceau horizontales fixes reste la référence pour les tumeurs oculaires car :
- Simplicité appropriée : l’œil (environ 24 mm de diamètre) et les tumeurs oculaires ne nécessitent pas de systèmes complexes
- Stabilité maximale : aucune fluctuation de dose, crucial pour préserver les structures sensibles (nerf optique, macula, cristallin)
- Positionnement optimal : la configuration horizontale facilite l’immobilisation et la reproductibilité du positionnement
- Exécution rapide : temps d’irradiation de quelques secondes, minimisant l’impact des mouvements oculaires, particulièrement important chez l’enfant
Cette approche assure une précision optimale pour le traitement des tumeurs oculaires tout en préservant la vision lorsque cela est possible.
Avec une énergie de 65 MeV, le cyclotron isochrone MEDICYC à Nice est particulièrement adapté au traitement des tumeurs oculaires. Cette énergie relativement faible permet un ciblage précis des structures superficielles telles que l’œil sans nécessiter une dégradation importante du faisceau, minimisant ainsi les effets indésirables de diffusion multiple dans les tissus.
Grâce à cette configuration optimisée, MEDICYC offre une précision balistique parmi les plus élevées au monde, caractérisée par :
- une chute de dose distale nette
- une pénombre latérale extrêmement étroite
1. Étape initiale : intervention chirurgicale
Avant de commencer la protonthérapie, une intervention chirurgicale préparatoire est généralement nécessaire. Le type de chirurgie dépend de l’emplacement et de la nature de la tumeur.
- Pour les tumeurs conjonctivales :
Une excision chirurgicale est réalisée pour retirer tout ou partie de la tumeur. Dans certains cas, de petits marqueurs en tantale peuvent être suturés sur la sclère (la couche blanche externe de l’œil) afin de permettre un ciblage très précis lors de la protonthérapie. Dans ce contexte, la protonthérapie sert de traitement adjuvant, complétant l’ablation chirurgicale de la tumeur. - Pour les tumeurs intraoculaires :
Il n’y a pas d’excision tumorale dans ce cas. La chirurgie consiste à suturer des marqueurs en tantale sur la sclère. Ces petits clips métalliques (non ferromagnétiques) — compatibles avec l’IRM — servent de points de repère radiologiques essentiels pour une planification précise du traitement.
Après cette intervention, une période de cicatrisation de deux à quatre semaines est généralement nécessaire avant de passer aux étapes suivantes du traitement.
2. Phase de préparation : planification et simulation
Avant l’arrivée au centre de protonthérapie, toutes les données médicales pertinentes — rapports et examens d’imagerie — sont envoyées à l’avance à l’équipe responsable de la création de votre plan de traitement personnalisé. Cette équipe comprend des oncologues radiothérapeutes, des dosimétristes et des physiciens médicaux.
Une fois au centre de protonthérapie, plusieurs étapes clés se déroulent :
- Un scanner est réalisé pour évaluer la taille et la forme de l’œil.
- Un masque sur mesure et une empreinte dentaire sont fabriqués pour garantir une immobilité complète pendant le traitement.
- Des radiographies sont prises pour localiser précisément les marqueurs chirurgicaux (clips) placés lors de l’intervention préparatoire.
- Le plan de traitement est ensuite conçu et calculé, en fonction de la localisation et de la profondeur de la tumeur.
- Une séance de simulation est réalisée pour vérifier la faisabilité et la précision du traitement.
- Une séance de vérification finale est effectuée pour s’assurer que tous les paramètres de traitement sont corrects avant le début de la thérapie.
Processus détaillé de simulation
Fabrication du masque et de l’empreinte dentaire
Vous serez assis dans un fauteuil spécialement conçu pour la protonthérapie. Comme la zone autour ou à l'interieur de votre œil nécessitant un traitement est très petite, votre tête doit rester parfaitement immobile afin que le faisceau de protons soit dirigé avec une précision absolue.
Pour cela, la première étape de votre préparation consiste à créer votre support de tête ou masque de traitement personnalisé. Le masque de traitement est en réalité constitué de deux parties :
- Une empreinte dentaire, réalisée avec un matériau de moulage spécial de qualité dentaire.
- Un masque moulé à partir d’une feuille de matériau thermoplastique qui épousera la partie supérieure de votre visage. La feuille de plastique est légèrement chaude (mais supportable) et humide. En refroidissant, elle durcit et conserve la forme exacte de votre visage.
Les deux éléments sont assemblés sur un cadre, qui est ensuite fixé solidement au fauteuil de traitement. Cette étape dure environ 30 minutes et est suivie de la séance de simulation et de l’élaboration de votre plan de traitement.
Étape par étape : première simulation
Une fois assis dans la chaise de traitement, celle-ci sera tournée et déplacée pour se positionner à quelques centimètres de la machine de protonthérapie. On vous demandera de regarder directement un petit point rouge lumineux.
Ne vous inquiétez pas si votre œil atteint ne voit pas bien — nous pouvons vous guider en utilisant votre autre œil pour aider les deux à s’aligner dans la bonne direction.
Lors de cette première séance, des radiographies de face et de profil seront réalisées pour visualiser les clips en tantale (s’ils ont été placés) que l’ophtalmologiste aura éventuellement fixés sur votre œil lors d'une chirurgie préalable.
Planification du traitement
En utilisant la position des clips (si applicable), les informations de l’ophtalmologiste, vos données de scanner et d’autres examens d’imagerie, l’équipe médicale va :
- Reconstituer la zone à traiter
- Déterminer la direction de regard optimale pour l’administration du faisceau
- Calculer la distribution de dose de protons à l’intérieur ou à la surface de votre œil
Cette phase de planification peut varier en durée selon votre cas. Une précision extrême est nécessaire pour éviter d’endommager les parties saines de l’œil, ainsi que les paupières et les cils.
Deuxième simulation
Lors de cette séance, vous serez positionné exactement comme lors de la première simulation, à l’aide de votre masque et de votre moulage dentaire personnalisés. Vous serez fixé au fauteuil, et votre tête sera immobilisée avec le masque, ce qui rend impossible de parler pendant la procédure. Cette situation peut provoquer une sensation de claustrophobie, mais l’équipe soignante sera présente et pourra intervenir grâce à un système de signaux manuels préétabli. La prise préalable d’un léger anxiolytique peut aider à réduire l’anxiété.
On vous demandera à nouveau de regarder le point rouge, et des images seront prises jusqu’à ce que votre œil soit parfaitement aligné dans la position nécessaire pour le traitement. L’équipe évaluera comment protéger au mieux vos paupières. Si nécessaire, des gouttes anesthésiantes seront utilisées afin de placer de petits dispositifs maintenant doucement vos paupières en dehors du champ de radiation.
Dans certains cas, un gel échographique pourra être appliqué sur votre œil ou votre paupière pour améliorer la précision du faisceau. Ces mesures ne sont pas toujours nécessaires et sont adaptées à votre anatomie et à vos besoins spécifiques.
3. Phase de traitement : protonthérapie
La protonthérapie est délivrée en plusieurs séances, appelées fractions. Le nombre de séances et la dose totale varient selon le type de tumeur, généralement de 4 à 8 séances, étalées sur une à deux semaines. Pour la plupart des tumeurs oculaires, le temps total passé au centre de protonthérapie ne dépasse généralement pas deux semaines.
Lors de chaque séance, vous serez positionné exactement comme lors de la simulation. Une fois l’alignement confirmé avec grande précision, le personnel de traitement quittera la salle pour commencer l’irradiation. Vous serez seul dans la salle pendant moins d’une minute.
Pendant le traitement, vous serez surveillé en continu par deux caméras : une caméra focalisée sur l’ensemble du corps et du fauteuil, et l’autre zoomée sur l’œil. Ce dispositif permet à l’équipe d’arrêter immédiatement le traitement si votre œil sort de la position prévue. Dans ce cas, le personnel rentrera dans la salle et vous repositionnera soigneusement avant de reprendre la séance.
La délivrance réelle du faisceau de protons dure environ dix secondes (à Nice), mais peut varier légèrement selon le centre. Le faisceau est activé depuis une console de contrôle située à l’extérieur de la salle. Vous pouvez entendre un bruit fort mais tolérable lors de l’activation du faisceau, et remarquer plusieurs lumières en fonctionnement autour de vous. Le traitement est indolore.
1. Pendant le traitement
La protonthérapie peut provoquer une légère rougeur de l’œil et un gonflement de la paupière, bien que cela soit peu fréquent. Ces effets varient selon la zone de l’œil traitée et la sensibilité individuelle. Dans la mesure du possible, des dispositifs spéciaux sont utilisés pour écarter doucement les paupières du faisceau de protons, après une anesthésie locale par collyres.
Lorsque l’on vous demande de regarder la lumière rouge, fixez-la simplement normalement. Certains patients rapportent que fixer trop intensément la lumière rouge peut donner l’impression qu’elle “disparaît” de la vision — il s’agit d’un effet temporaire et sans danger.
À partir du premier jour de traitement, veuillez suivre ces recommandations :
- Ne pas appliquer de crèmes, lotions, maquillage ou produits démaquillants sur vos paupières.
- Évitez de frotter l’œil et n’utilisez que les gouttes ou pommades prescrites par votre médecin ou l’équipe de traitement.
- Nettoyez délicatement la peau autour de l’œil et séchez-la en tapotant doucement.
- Appliquez des compresses froides sur vos paupières pendant dix minutes, plusieurs fois par jour. Cela aide à apaiser la peau.
- Si des collyres anesthésiques sont utilisés, protégez votre œil pendant deux heures ensuite. Vous pouvez le couvrir si vous sortez par temps venteux.
- Portez des lunettes de soleil larges et enveloppantes chaque fois que le temps est lumineux. Si la paupière a été irradiée, un chapeau à large bord ou une casquette est également recommandé, car la peau traitée restera plus sensible au soleil.
2. Après le traitement
La réaction de la peau et de l’œil à la protonthérapie se poursuit pendant quatre à six semaines après la dernière séance. Durant cette période, il est essentiel de continuer à prendre soin de votre œil et de votre paupière, et d’assister aux visites de suivi avec votre ophtalmologiste.
Vous pouvez constater une augmentation des rougeurs et du gonflement par rapport à la période de traitement, notamment dans les zones irradiées. Si une petite cloque apparaît sur la paupière, laissez-la découverte et n’utilisez aucune crème ou lotion autre que celles prescrites par votre ophtalmologiste. Continuez à prendre soin délicatement de la zone autour de l’œil et appliquez des compresses froides jusqu’à ce que la rougeur disparaisse. Une fois la peau redevenue normale, vous pouvez reprendre vos produits de soins habituels.
Le matin, vos paupières peuvent être collées. Dans ce cas, humidifiez-les doucement avec du sérum physiologique stérile et un coton. Soyez le plus délicat possible.
Si votre paupière a été irradiée, elle restera plus sensible au soleil à long terme. Chaque fois que vous êtes à l’extérieur — surtout en été ou en altitude — portez des lunettes de soleil larges et enveloppantes et envisagez une protection supplémentaire comme un chapeau ou une casquette.
Enfin, la présence de l’un des symptômes suivants doit entraîner une consultation urgente auprès de votre ophtalmologiste :
- Douleur oculaire importante
- Aggravation des troubles visuels
- Fortes céphalées
Ces signes peuvent indiquer une augmentation de la pression intraoculaire ou un décollement de la rétine, nécessitant une prise en charge médicale rapide.